Ettore Sottsass (1917-2007) - Le design animé
Ettore Sottsass (1917-2007) - Le design animé
Le 31 décembre 2007 s´éteignait Ettore Sottsass, chantre du design à contre-courant. Né 90 ans plus tôt en Autriche, Sottsass grandit à Turin à partir de 1929 ou il obtient son diplôme de l´école polytechnique (1939). Il suit alors les traces de son père en choisissant l´architecture comme premier terrain d´élection. Agé de tout juste 30 ans, il ouvre sa propre agence d´architecture à Milan, puis part aux Etats-Unis (1956) où il projette des maisons préfabriquées au côté de Georges Nelson. A la fin des années 50, il s´impose aussi comme designer et multiplie les contrats avec des firmes comme Poltronova, Alessi et Olivetti, reçoit le prestigieux Compasso d´Oro pour l´ordinateur Elea 9003 en 1959.
Les clefs de son succès ? Un design énergique, teinté d´humour, souvent irrévérencieux en regard des standards, emprunt de spiritualité et d´humanisme. Cet ennemi du design uniformisé oppose au rationalisme de l´ère moderne un design sensuel et expressif. Son goût pour l´expérimentation et l´influence de la pensée hindouisme l´entraîne dans le principe de « fertilisation croisée » propre à la culture orientale : il s´exerce à toutes les disciplines (architecture, photographie, design, peinture, sculpture, céramique, verrerie, bijoux), mixe les références culturelles (indiennes, chinoises, occidentales, culture noble et populaire), hybride les genres, réalise d´improbables et poétiques associations de matériaux.
Depuis le début de l´année 2008, les hommages se multiplient via des articles et des expositions à travers le monde, mais aussi via des vacations. Ainsi, Pierre Bergé et associés lui dédiait entièrement sa vente bruxelloise du 22 avril 2008 intitulée Focus on Ettore Sottsass. Toute la gamme de prix était présentée, depuis les céramiques à quelques centaines d´euros jusqu´aux pièces les plus rares proposées entre 20 000 et 50 000 euros, en passant par des meubles vendus entre 2 000 et 3 000 euros comme le guéridon d'appoint "ivorY" ou le lampadaire "treetops".
Nombreux petits vases, boites et coupes en céramique éditées par Bitossi, de même que deux vases en étain poli édités par Serafino Zani, étaient abordables entre 250 et 1 000 euros. Les prix grimpent dès lors que l´édition est limitée. Ainsi, de petits objets en céramique produits à une trentaine d´exemplaires attisent les convoitises et s´échangent autour de 5 000 euros, comme la petite boîte " Merlo", dont il existe trente trois pièces plus quatre épreuves d'artiste, acquise pour 4 200 euros ou le vase "Civetta", une pièce plus grande de même tirage, adjugée 6 000 euros (Pierre Bergé et associés).
Pour ritualiser la vie domestique, Ettore Sottsass érige ses meubles comme des figures totémiques. Ses séries de totems monumentaux en céramique sont de véritables tours de force technique. Deux de ces compositions sculpturales constituées de pièces superposées furent proposées, toujours chez Pierre Bergé, dans une fourchette d´estimation de 20 000 à 30 000 euros chacune. Aucune ne trouva preneur à ce prix… un mois plus tard pourtant, l´ensemble de cinq totems monumentaux "Flavia" décrochaient 100 000 euros chez Tajan à Paris.
Lors de l´hommage bruxellois, les amateurs de Sottsass ont préféré aux céramiques des pièces plus fonctionnelles comme le cabinet modèle "mobilo giallo" adjugé 16 000 euros ou la table modèle "Francoforte" (éd. Limitée à 16 exemplaires) vendue 30 000 euros. Le plus beau succès de cette vente fut signé par un "meuble-bar" monumental (240cm) en Jacaranda dont il n´existe que huit exemplaires. Estimé entre 40 000 - 50 000 euros, il fit grimper les enchères à 60 000 euros.
Dans cette gamme de prix de 30 000 à 100 000 euros s´échangent quelques meubles d´exception notamment des bibliothèques sculpturales, conçues comme des invitations à la méditation. La plus chère est une bibliothèque dessinée en 1965 et réalisée en bois laqué blanc, noyer et laiton. Proposée le 4 mai 2007 chez Christie´s Londres, elle enregistrait une enchère record équivalente à de plus de 70 000 euros (£60,000 frais inclus).
Un mois après la vente fleuve chez Pierre Bergé, c´était au tour de Tajan de rendre hommage à Sottsass avec une adjudication notable pour la spectaculaire bibliothèque de milieu " Adesso Pero", de la collection " Ruins" (1992) qui cote désormais 30 000 euros. Une semaine plus tard (27 mai 2008) à Paris toujours, Christie´s dispersait la collection de design d´Anna et Alessandro Pron, dont deux bibliothèques créées pour la galerie Mourmans de Maastricht en 1994 et limitée à six exemplaires : la première, " Furniture N.31" atteignait difficilement son estimation basse de 30 000 euros (€36,250' frais compris). Quelques minutes plus tard, "Furniture N.24", aux étagères asymétriques en aluminium anodisées mises en scène sur un piédestal, déclenchait une belle bataille d´enchères. Moins massive que la première, elle doublait la mise de " Furniture N.31"!
Parmi les belles pièces de cette vacation, la tribu de vases monumentaux de la série "Capricci" (1998) mettait le verre à l´honneur. Chaque vase, produit à 7 exemplaires, affichait une estimation optimiste de 20 000 à 25 000 euros mais les amateurs restèrent prudents : les pièces furent emportées dans une fourchette de 12 000 et 18 000 euros.
En tant que fondateur du groupe Memphis, Sottsass est le chef de file du Design radical italien, et les pièces de cette époque (1981-1985) revêtent un intérêt historique particulier.
Les créations emblématiques du groupe Memphis telles la bibliothèque "Claustra Carlton" (1981), le meuble de rangement "Casablanca" (1981) ou le buffet "Beverly" (1981) sont donc particulièrement prisées. L´année 1981 est un jalon dans l´histoire du design (fondation de Memphis et première exposition du groupe) susceptible d´enthousiasmer les enchérisseurs. Les amateurs sont en effet plus prompts à enchérir sur une pièce « historique » que sur une édition récente.
Ainsi, les écarts de prix pour différentes éditions de l´emblématique bibliothèque Carlton est éclairante : la Carlton produite en 1981 estampillée « Memphis Milano E. Sottsass 1981 Made in Italy » est adjugée autour de 20 000 euros, tandis qu´une édition postérieure est deux fois moins onéreuse (11 décembre 2007, £5 000 frais inclus, Christie´s Londres South Kensington). La Carlton, décrite par Alessandro Mendini comme un objet «parent du langage des hippies, des Hindous, des astronautes et des civilisations disparues », a un statut d´objet culte qui fait parfois oublier aux enchérisseurs l´importance de la date d´édition. Ainsi, certaines pièces récemment produites, portées par l´engouement de l´œuvre et la forte médiatisation de Sottsass, parviennent à doubler leur fourchette d´estimation initiale pour se rapprocher des adjudications de la Carlton « historique ».
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